Par Pascal PREVOST
Introduction
Le renforcement de la ceinture abdominale est régulièrement utilisé dans les pratiques sportives ou thérapeutiques. Ce type de travail cible régulièrement sur les parties antérieures et latérales, c’est-à-dire le Rectus Abdominis (RA – droit de l’abdomen), l’Obliquus Externus Abdominis (OEA – oblique externe), l’Obliquus Internus Abdominis (OIA – oblique interne), le Transversus Abdominis (TrA – transverse de l’abdomen).
Face à la diversité des exercices existant, la question est de savoir s’ils sont tous efficaces et s’ils remplissent le rôle qu’ils sont censés remplir de façon spécifique. Nous avons analysé la littérature en nous focalisant sur les études qui ont mesuré réellement l’activité électrique des muscles (électromyogramme intramusculaire ou de surface) pour vérifier l’action ciblée des exercices sur les muscles en question. Nous illustrerons les résultats les plus marquants dans plusieurs lettres électroniques de SSPP. Déjà, les premières constatations sont quelque peu déroutantes au vu des idées communément admises et/ou véhiculées sur le terrain.
À chacun ses abdos
Il existe une grande variabilité interindividuelle qui rend difficile toute standardisation des exercices. En effet, les synergies musculaires sont quelquefois différentes de celles supposées se produire dès lors que l’on normalise les activités des muscles par rapport à leur contraction maximale volontaire. La normalisation c’est tout simplement exprimer l’activité musculaire en pourcentage du maximum que le muscle peut produire pour un mouvement donné.
Cela implique que nous ne sommes jamais réellement sûr du fait que l’on a effectivement stimulé la zone cible selon nos exigences en termes de renforcement spécifique. L’idéal serait donc de pouvoir utiliser un biofeedback (par exemple l’enregistrement de l’activité musculaire pendant la réalisation du mouvement… mais c’est encore un luxe réservé au laboratoire, à la rééducation et aux clubs les plus riches).
Pas étonnant alors que certaines personnes disent ne rien sentir dans tel ou tel exercice alors que d’autres ressentent très nettement la sollicitation. Tout dépend comment les muscles sont mis à contribution lors du mouvement étant donné qu’il est très rare d’avoir un muscle travaillant de façon isolée.
Des hauts et des bas
Un autre exemple : il est courant d’entendre qu’il existe des exercices spécifiques pour le haut ou le bas des abdominaux. Pour s’en assurer, rien ne vaut la mesure in situ de l’activité musculaire. L’illustration ci-dessous (figure 1) montre l’activité des quatre quadrants du droit de l’abdomen (de haut en bas) lors d’une contraction en crunch (rapprochement du sternum vers le pubis). L’activité des différentes parties est similaire en apparence lors du mouvement (Pierring et al 1993).
Pour s’en convaincre, il suffit de réaliser plusieurs mouvements (figure 2) et de comparer l’activité de chacun des quadrants (figure 3) en prenant soin de la normaliser. On observa alors qu’il n’existe pas de différences significatives entre chacun des quadrants pour l’ensemble des exercices réalisés. L’exercice 1 censé mettre l’emphase sur la partie haute, n’obtient pas d’activation plus élevée pour cette partie.
Figure 2 : exercices d'abdominaux
Figure 3 : EMG des 4 quadrants du RA
pour chacun des exercices
Un autre exemple avec les 4 conditions de contractions très contrôlées (Figure 4) montre clairement que les activations musculaires du quadrant haut et du quadrant bas normalisées par rapport à la contraction maximale volontaire sont similaires ( Figure 5) (Lehman et McGill 2001).
Figure 4 : différentes conditions de sollicitation du RA.
Conclusion
Contrairement à ce que l’on prétend généralement sur le terrain et dans certains ouvrages de préparation physique, il n’existe pas d’exercices spécifiques pour le haut ou le bas du droit de l’abdomen.
Si certains exercices provoquent davantage de douleurs dans la partie haute ou basse des abdominaux, ceci est uniquement dû aux bras de levier impliqués dans le mouvement choisi. La partie proche du point fixe (proximale), subit ainsi moins de tensions que la partie éloignée du point fixe (distale). Des contraintes plus importantes se focalisent donc sur les tendons et fascias de la partie distale. Pour autant, l’ensemble du muscle se contracte car il reçoit la même innervation.