LE PROCESSUS PHYSIOLOGIQUE DE CROISSANCE MUSCULAIREHypertrophie, hyperplasie et cellules souchesDans toute discipline, il est prépondérant de maîtriser la théorie avant de pouvoir l’appliquer à la pratique. En musculation et plus particulièrement en bodybuilding, cette affirmation est également vérifiable dans la mesure où l’assimilation théorique permet de comprendre l’ensemble des processus mécaniques et anatomiques nécessaires à l’amélioration de l’entraînement. Dans cet article, il conviendra de se concentrer sur les bases physiologiques du processus de croissance musculaire. Ainsi, avant de s’intéresser concrètement à son analyse, il s’agira d’étudier l’existence de l’hyperplasie dans le muscle.
PARTIE I : L’EXISTENCE DE L’HYPERPLASIE DANS LE MUSCLEPour reprendre les mots de MdG :
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Il est fréquent d’entendre dire que « la croissance musculaire est un phénomène induit exclusivement par l’hypertrophie. L’hyperplasie ou augmentation du nombre des fibres musculaires n’existe pas chez l’homme. En tout cas, cela n’a jamais été démontré. » Toutes les affirmations que nous venons de recenser sont fausses. Et que cela soit pour l’hypertrophie ou l’hyperplasie, il y a une nécessité impérieuse de cellules souches. Ce sont de ces cellules souches et de leur rôle dans la croissance que nous allons vous entretenir aujourd’hui. |
Les cellules musculaires sont différentes des autre. Contrairement aux autres cellules, les cellules musculaires disposent de plusieurs noyaux, dont chacun s’occupe d’une zone limitée du cytoplasme (domaine myo-nucléaire). Lorsque la croissance musculaire se produit, cette zone grandit jusqu’à devenir trop importante pour être supportée par un seul noyau, il est nécessaire d’en ajouter de nouveaux.
Entraînement = hyperplasie« L’hyperplasie », signifie, dans son sens strict « division d’une fibre en deux » et n’existe effectivement pas dans le muscle. Cependant, au sens large, ce terme est utilisé pour désigner le gain de nouvelles fibres musculaires (actine et myosine) dans un muscle. Dès lors, elle existe bel et bien dans le muscle. En effet, le professeur Fawzi Kadi a démontré que 10 semaines d’entraînement en musculation permettait la réexpression des gènes présents dans le muscle chez 70% des sujets (ceci montre également qu’une minorité de personnes est réfractaire aux effets positifs de la musculation). En détectant l’apparition de fibres plus petites que les autres, il démontre la capacité de l’entraînement à créer de nouvelles fibres.
Hypertrophie -> HyperplasieDans un premier temps, l’hypertrophie peut survenir sans nécessairement nécessiter de nouveaux noyaux. En revanche, elle sera ralentie si de nouveaux noyaux ne viennent pas aider ceux déjà existants à maintenir un domaine myo-nucléaire (domaine supporté par un noyau) relativement constant. A ce moment-là, l’hyperplasie sera nécessaire pour la poursuite de l’hypertrophie et elle dépend de la disponibilité des cellules souches. Les cellules souches (dont les plus connues sont les cellules satellites « dormantes », en périphérie des fibres musculaires)sont activées par le traumatisme induit lors de l’entraînement de musculation (qui est le déclencheur principal du processus de croissance). Elles fournissent le noyau qui supportera la croissance.
Les principales hormones participant à leur activation sont l’IGF, la testostérone, le fibroblast growth factor (FGF), les prostaglandines et l’hépatocyte growth factor (HGF).
90 jours d’entraînement = hyperplasie + 31% Des scientifiques danois ont étudié l’impact d’une séance unique de cuisse sur les cellules satellites et ont révélé leur activation quatre à huit jours après l’entraînement, mais la non répétition de ce dernier (manque de régularité dans l’entraînement) ne permet pas de les transformer en muscle. Suite à ces résultats, le professeur Kadi a effectué des recherches sur une période plus longue et a rapporté qu’après trente jours d’entraînement en musculation, le nombre de cellules satellites a augmenté de 19%, contre 31% en quatre-vingt-dix jours. Les recherches ont montré qu’au fil des séances de musculation, les cellules satellites deviennent de plus en plus réticentes à se transformer, ce qui explique le ralentissement de la progression au fil du temps. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’alors, ceci n’est pas provoqué par un manque de cellules satellites. Les recommandations visant à préconiser un arrêt de l’entraînement d’une durée de un à deux mois par année sont donc absurdes. Cependant, en avançant dans l’âge, la quantité de ces cellules tend à se réduire. De plus, après l’arrêt total de l’entraînement, le nombre de cellules satellites reste élevé durant deux mois, mais revient au niveau de départ après quatre-vingt-dix jours d’arrêt.
Doser l’intensité de l’entraînementBien que l’entraînement traumatisant soit nécessaire pour activer les cellules souches, il est également propice à la destruction des cellules musculaires (apoptose). Le danger est de détruire autant, voire d’avantage de fibres musculaires que ce que l’on en crée. Selon les études, il faut compter 14 jours pour qu’une cellule souche soit transformée en cellule musculaire. L’objectif est donc de doser l’effort afin d’activer un maximum de cellules souches, tout en minimisant l’apoptose.
Facteurs nutritionnels favorisant l’hyperplasieCertaines stratégies nutritionnelles peuvent être exploitées afin de faciliter la transformation des cellules satellites en muscle. L’acide linoléique aurait un rôle stimulant en raison de sa transformation en prostaglandine F2 alpha (PGF2 alpha). Les gamma-linolenic acid (GLA), peuvent favoriser la récupération musculaire et donc l‘hypertrophie. Dès lors, certains antidouleur inhibiteurs de COX-2, tel que l’aspirine, pourraient avoir un effet négatif sur la récupération et la croissance musculaire.
Le PH sanguin neutre = 7, influence également la transformation de ces cellules. Chez les culturistes il est souvent acide : PH > 7, en raison d’une consommation élevée en protéines et glucides. Il est donc prépondérant de le réguler en consommant une
quantité élevée de légumes et aliments alcalins : PH < 7 comme le vinaigre de vin rouge, vinaigre de cidre, jus de citron, etc... Le bicarbonate de potassium est un régulateur de PH.
Afin de connaitre le « PH » des aliments, il est possible de se référer au tableau de classification en fonction de l’indice Pral : http://alimentationgroupea.blogspot.com/2009/10/aliments-classes-selon-lindice-pral.html
Certains acides aminés stimulent aussi légèrement ce processus. La créatine a rapporté l’effet le plus marquant en raison de sa capacité à augmenter la production d’IGF dans le muscle.
En période de régime hypocalorique, la chute d’une importante partie de ces facteurs déclencheurs de la fusion des cellules satellites explique pourquoi il est difficile, pour ne pas dire impossible de sécher et prendre du muscle.
PARTIE II : LE PROCESSUS DE CROISSANCE MUSCULAIREAprès avoir étudié l’existence de l’hyperplasie, au sens large, dans le muscle, il s’agit d’analyser, avec d’avantage de détails, le processus de croissance musculaire. En endocrinologie, la fusion des cellules satellites s’explique par leur activation, provoquée par un traumatisme ou une blessure. L’hypertrophie peut se présenter comme l’utilisation des cellules satellites pour élargir les cellules et leur teneur en protéine. L’hyperplasie peut se définir comme le résultat d’une division et d’une multiplication des cellules satellites, pour former de nouvelles fibres musculaires : actine et myosine. Dans la première partie de cet article il a été démontré que, dans son sens large de multiplication des cellules, ce processus existait dans le muscle.
Ces facteurs sont essentiels à la croissance musculaire, qui peut se décliner en trois phases distinctes.
I La chaîne anaboliqueL’entraînement est le déclencheur de la croissance car il crée des dommages aux muscles qui seront réparés et renforcés par un processus de « surcompensation » : réparation du dommage et adaptation à l’effort par l’ajout de nouvelles fibres musculaires, en considérant que la diète soit de qualité.
II Phase 1 : la réponse initialeLa sécrétion d’acide arachidonique par les cellules du muscle, ainsi que la formation de messagers (prostaglandines) forment les facteurs initiaux de cette réponse. L’acide arachidonique commande la réponse des prostaglandines (PGE 2 et PGF 2 alpha) pour former l’acide prostaglandine, élément central de l’anabolisme. C’est la densité d’acide arachidonique dans la couche phospholipidique qui va déterminer la capacité de formation d’acide prostaglandine. Plus il y en a et plus il est facile d’en libérer durant l’entraînement et surtout durant la phase excentrique des mouvements.
III Phase 2 : endommagement des tissus localisésL’entraînement intensif, en augmentant la densité des récepteurs, permet d’initier la réparation des tissus. Ils s’ouvrent de deux manières. La première consiste en une contraction musculaire puissante, qui n’est pas à la portée de tous. La seconde repose sur un volume d’entraînement important. La phase négative (excentrique) est également d’avantage propice à stimuler « l’ouverture » des récepteurs. Ainsi, le culturiste naturel est confronté à un dilemme car il doit se soucier de sa production de testostérone endogène (interne), mais également de la densité des récepteurs androgènes, pour une croissance musculaire
maximale. Il doit donc éviter à tout prix le surentraînement (excès de volume), qui provoquerait une réduction simultanée des deux. Dès lors, il doit privilégier l’intensité pour accroître sa production de testostérone, mais doit aussi conserver un volume d’entraînement suffisant à l’expansion de la densité des récepteurs. A l’inverse, un culturiste non naturel n’a pas à considérer sa propre sécrétion hormonale, dans la mesure où elle est contrôlée par un apport exogène (externe). Il doit, dans ce cas, éviter le sous entraînement, qui aurait pour effet de réduire la quantité des récepteurs androgènes : plus il y a d’hormones dans le sang et plus le nombre de récepteurs tant à décroître. Par ailleurs, le taux de dommage musculaire s’évalue en
fonction du taux de créatine kinase (CK) dans le muscle. Un athlète naturel doit rechercher un niveau modéré de créatine kinase (CK) car la récupération est plus difficile que pour un non naturel et il faut s’assurer qu’elle sera supérieure au catabolisme (cf. première partie sur l’apoptose). En revanche, pour ce dernier, il convient de rechercher un niveau maximal de créatine kinase (CK) dans le muscle, car la qualité de récupération sera accru par les stéroïdes.Ceci permet de comprendre les objectifs différents de ces deux « types » de bodybuilders et de mieux analyser l’entraînement des « pros ». Lorsque les récepteurs sont activés, les hormones facteurs de croissance se fixent sur les récepteurs correspondants. Une fois encore, les stéroïdes facilitent cette liaison car ils augmentent la quantité d’hormones autour de la cellule et donc des récepteurs.
IV Phase 3 : la récupérationL’HGF (hepatocyte growth factor), stimulée par le NO (monoxyde d’azote), active les cellules satellites.
- Les androgènes améliorent la synthèse protéique, stimulent la
libération d’IGF-1 et augmentent la densité des récepteurs par le biais
de l’acide arachidonique
- L’IGF-1 améliore la synthèse protéique et augmente la prolifération des cellules satellites
- L’IGF-2 augmente la prolifération des cellules satellites, mais répond moins à l’entraînement que l’IGF-1
- MGF augmente la prolifération des myoblastes : cellules souches responsables de la formation des muscles squelettiques
- FGF augmente la prolifération des cellules satellites
- L’insuline permet aux cellules de transporter le glucose et les acides aminés au travers de la membrane plasmique
- Les cytokines stimulent la migration des cellules vers les tissus à réparer, aident au retrait des cellules endommagées et régulent l’inflammation
- Les prostaglandines participent à « l’ouverture » des récepteurs androgènes, améliorent la synthèse protéique et décuplent l’effet anabolisant de l’IGF-1
- Les oestrogènes aident à l’élargissement des récepteurs (mais les scientifiques ne savent pas si cet effet se produit dans le muscle squelettique), stimulent l’axe GH/IGF-1 et améliorent l’utilisation du glucose par l’organisme
SCHEMA RECAPITULATIF DU PROCESSUS DE CROISSANCE MUSCULAIREHypertrophie musculaire et les différentes étapes du cycle des cellules satellitesDurant la phase « d’activation », les cellules satellites « dormantes » sont stimulées et entrent dans le cycle. La phase de « prolifération » marque la formation de nouvelles cellules souches qui fusionneront avec les fibres musculaires endommagées durant la phase de « différentiation ». Ceci permet d’améliorer la synthèse protéique et l’expansion de la taille des cellules. La phase de « tranquillité » caractérise le retour à un état normal (cellules « dormantes »), où les cellules inactivées vont retourner à l’extérieur des fibres (en périphérie). Il est possible que la myostatine, facteur limitant de la croissance des tissus, est supposé être un élément régulateur de ces étapes.
Sources :
- « Le Monde du Muscle », 2005
- Anabolics, 9th edition, William Llewellyn
- http://www.mesomorphosis.com/articles/dharkam/dharkam-interview.htm